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Les négociants juifs ou berbères originaires du Souss, les fameux « toujar sultan », négociants du roi, qui s’établirent dans la kasbah et à « derb Ahl Agadir », construisirent des maisons à deux niveaux plus une terrasse, les menzeh, avec vue panoramique et aérienne sur la mer.
Le rez-de-chaussée était réservé à l’entrepôt des marchandises. Dans la kasbah, ce type de bâtiments est d’autant plus visible que ce sont des restaurants ou des galeries, certains en sont de magnifiques exemples tel le restaurant « El Menzeh », vastes espaces hauts sous plafond aux multiples arcades en pierres de taille, une architecture simple et belle, arcades, murs badigeonnés de blanc, plafond en tassiout.
Le menzeh reprend la disposition de la maison urbaine, avec façades ouvertes sur l’extérieur.
Cette demeure comportait deux entrées, on ne mélangeait pas négoce et vie privée. La première porte donne accès au lieu du travail qui est l’entrepôt des marchandises destinées à l’exportation via le port : des sacs empilés les uns sur les autres jusqu’au plafond, d’amandes décortiquées, de blé, de peaux, de caroubes et surtout de gomme (lagracha), d‘où le nom lahraya dyal lagracha (entrepôt de la gomme).
Dans ces entrepôts les femmes la filtraient et nettoyaient la gomme durant la grande famine de fin 1920 - début 1930 : c’est de l’immense forêt de thuya berbère, au sud d’Essaouira, qu’on ramenait cette gomme.
La deuxième porte donnait sur les étages : Le premier pour la famille, le second pour les invités. Ce dernier était souvent le plus beau avec vue sur la baie. On l’appelait menzeh, ou « vue panoramique » en français. A l’époque, il n’y avait pas d’hôtels et les voyageurs de passage étaient reçus soit au menzeh des négociants, soit à la douiriya, maisonnette mitoyenne à la maison proprement ou dar.
Partout ailleurs dans l’ancienne médina, chaque foyer disposait de deux maisons adjacentes : dar (ou maison) pour la famille et douiriya pour les célibataires et les invités.
Le rez-de-chaussée des maisons - entrepôt, se caractérisait par d’énormes arcades en pierres de taille (manjour), matériau au fondement de l’ancienne kasbah et des fortifications du port.
Dans l’hinterland d’Essaouira, on retrouve encore aujourd’hui d’excellents tailleurs de cette roche de sable, à Had Dra, Akermoud et Tamanar en particulier. Ces rez-de-chaussée étaient hauts de six à huit mètres pour y entreposer suffisamment de marchandises. Il faut donc que ça soit grand mais aussi que ça soit solide : leurs plafonds étaient en bois de thuya ou tassiout, plafond berbère par excellence, à base de baguettes en thuya de soixante centimètres soutenues transversalement par des poutres en madriers de thuya également.
Quand on est dans la médina, bien souvent, les maisons n’ont aucune ouverture sur l’extérieur. La lumière descend d’en haut. Or dans les maisons juives d’Essaouira, les fenêtres sont grandes ouvertes au dessus du niveau des remparts et donnent sur la mer, on n’avait pas à cacher la femme. Dans certaines rues importantes comme celle des Alouj, (les anciens convertis issus des prises de mer de la piraterie barbaresque qui travaillaient comme canonniers à la scala du port et de la mer), la rue qui mène à la scala, il y a même des balcons. C’est la maison typique des négociants juifs et des consuls chrétiens établis à Essaouira dés sa fondation en 1764.
Alors que les maisons musulmanes se caractérisent par des façades aveugles, avec petite porte d’entrée, donnant sur un véritable paradis, avec son puits de lumière venant d’en haut, expression de cette pudeur selon laquelle la femme ne doit pas se dévoiler.
Informations : Abdelkader et Abdelmajid Mana