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Sens cachés, codes, tabous, préjugés auxquels nous obéissons sans le savoir et qui pèsent sur nos modes, notre environnement, notre vie quotidienne, nos comportements, notre langage et même notre imaginaire. Tous véhiculés par les couleurs. Ni immuables Ni universelles. Leur histoire est mouvementée et remonte à la nuit des temps.
Le bleu est omniprésent dans la nature, particulièrement en Méditerranée. Longtemps difficile à fabriquer et à maîtriser, mais la couleur bleue, n’a pas joué de rôle dans la vie sociale, religieuse ou symbolique.
A Rome, c’est la couleur des barbares, de l’étranger (les peuples du Nord, comme les Germains, aiment le bleu). De nombreux témoignages antiques l’affirment: avoir les yeux bleus pour une femme, c’est un signe de mauvaise vie. Pour les hommes, une marque de ridicule. On retrouve cet état d’esprit dans le vocabulaire: en latin classique, le lexique des bleus est instable, imprécis.
Lorsque les langues romanes ont forgé leur vocabulaire des couleurs, elles ont dû aller chercher ailleurs, dans les mots germanique (blau) et arabe (azraq). Chez les Grecs aussi, on relève des confusions de vocabulaire entre le bleu, le gris et le vert. L’absence du bleu dans les textes anciens a d’ailleurs tellement intrigué que certains philologues du XIXe siècle ont cru sérieusement que les yeux des Grecs ne pouvaient le voir.
Le bleu est placé au premier rang partout en Occident, par les hommes comme par les femmes, quel que soit leur milieu social et professionnel. C’est toute la civilisation occidentale qui donne la primauté au bleu. Dans les autres cultures, au Japon par exemple, c’est le rouge qui est plébiscité. Cela n’a pas toujours été le cas. Longtemps, le bleu a été mal aimé. Couleur consensuelle, le bleu traverse les nuances, de l’indigo au turquoise, du bleu layette au bleu noir, en passant par l’outremer, le ciel, le bleu Majorelle, celui de Klein ou encore le bleu Matisse.
Bleu couleur de paix, couleur de l’infini, du rêve et du sentiment d’évasion. Bleu couleur de l’âme qui y trouve sa profondeur. Les environnements bleus apaisent. Couleur la plus utilisée en décoration, elle crée une atmosphère de repos. En littérature aussi, les mots « bleus » apparaissent liés avec l’onirique, le rêve, le romanesque, l’évasion.
Les expressions ne manquent pas : La grande bleue, la planète bleue, l’heure bleue, celle qui précède l’aube, être dans le bleu ou dans le rêve, être dans le bleu (belge) ou être amoureux de quelqu’un…
Les bleus d’Essaouira puisent sans fin dans ce réservoir. Le Bleu se décline à l’infini, niché jusque dans le moindre recoin, dans une cage à oiseaux suspendue au fond de l’impasse.
Bleu, l’eau, la mer
Bleu, l’air, le ciel, la lumière
Bleu couleur du jour et de la nuit
Bleu les bois peints, bateaux, portes, carreaux de faïence, « carrossas », carrioles et charrettes
Bleu les cœurs de bois déposés sur les tuiles vernissées
Bleu nuit et nuit bleue
Bleu des barques
Bleu, ce désert si proche et les hommes qui y vivent
Rivages des pays de la Méditerranée. Murs blancs blanchis à la chaux où le soleil s’écrase. Mer bleue. Maisons blanches et volets bleus, portes bleues, grilles bleues. Vagues bleues à l’écume blanche. Bleu des maisons blanchies à la chaux au Maroc ou en Grèce. Fenêtres et volets bleus qui célèbrent l’alliance du ciel et de la mer.
Ce bleu omniprésent estampille la ville de ses tendances.
A Fès, le célèbre bleu violacé ou « bleu de cobalt », a succédé au bleu obtenu à partir d’une forte proportion de nickel qui le rendait très pâle et doux, seul utilisé par les artisans en céramique.