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Esclaves originaires d’Afrique de l’Ouest (Ghana, Guinée et Mali), les Gnaouas (déformation de guinéen), sont arrivés au Maroc au XVIIe siècle sous le règne du sultan Moulay Ismaïl.
Ils étaient au service de maîtres arabes et berbères. Certains ont constitué la première garde noire chérifienne.
La confrérie des Gnaoua d’Essaouira est formée des descendants de ces esclaves ayant participé à la construction de la ville à partir de 1764.
Comme leurs pairs emmenés de force sur l’autre rive de l’Atlantique, les captifs ont développé la tactique du double jeu afin de survivre à leur soumission. Les traditions animistes, les divinités régnant sur le monde visible et invisible, ont été colorées de soufisme et même de judaïsme. La confrérie d’Essaouira est l’une des plus actives du Maroc, et dispose d’une zaouia (sanctuaire).
Membres et adeptes forment ici une confrérie solide, réunie autour de la tombe de leur maître Sidna Bilal, un saint homme qui, en d’autres temps, guérit Fatima, la fille bien-aimée du Prophète. Tous les Gnaoua, qu’ils soient berbérophones ou issus des villes, reconnaissent Sidna Bilal comme leur ancêtre spirituel.
Les Gnaouas pratiquent un rituel nocturne de possession syncrétique et de guérison, la lîlâ de derdeba célébrant le mystère de l’extase (au cours des différents festivals, un public restreint a pu assister à ces rituels, animés par des voyantes-thérapeutes). Durant ce rituel les adeptes possédés par les esprits que le maâlem (maître musicien) appelle avec le luth guembri, tombent en transe, accompagnés par la rythmique puissante des joueurs de qraqeb (crotales en métal).
Mâalem et moqadma (prêtresses), hommes et femmes à la peau souvent très sombre, possèdent la faculté de guérison : ils s’entourent des symboles de la vie et de la mort - le lait (le sperme), les dattes (le sang), le feu (la lumière), le chant. Les qraqeb, les tambours martèlent la marche secrète des univers invisibles durant les lîlâ (nuits) qui durent jusqu’au matin, cérémonies protégées, voire secrètes, qui fêtent la réconciliation des éléments de la vie et établissent l’harmonie des sept couleurs de l’arc-en-ciel.
Habillés d’une longue djellaba et coiffés d’un bonnet de coquillages, ils disposent du guembri (un genre de luth) garni de velours vert et rouge, du tbal (tambour), du mehraz un mortier complété d’un pilon en bois utilisé pour broyer les sept sortes d’encens et le henné nécessaires à la cérémonie, de foulards (bleu foncé, bleu clair, noir, blanc, rouge, vert et jaune, couleurs correspondant aux sept esprits possesseurs), du kumiyya (poignard) et des qraqeb, semblables à de longues castagnettes de fer, ils chanteront et danseront jusqu’à l’épuisement afin de déclencher la transe guérisseuse et d’atteindre l’extase. Au matin, le malade sera guéri. Les Gnawas auront eu raison des djinns. Les longues tresses souvent portées par les Gnaoua ainsi que leur bonnet orné de coquillages, sont un rappel des origines africaines de ces danses-transes rituelles.