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La ville fortifiée n’est qu’un rocher battu par les flots, cerné par l’océan et le sable jusqu’à la décision du sultan Alaouite Sidi Mohammed Ben Abdallah, qui, dès son accession au trône, décide de fonder une ville et de faire de ce port une base navale, qui reçut le nom d’Al-Suwaira.
Construite dans une perspective militaire de protection, remparts et forts sur la mer sont érigés pour résister aux tentatives d’invasions, la ville d’Essaouira, possède quatre sqalas (batteries), deux maritimes et deux terrestres.
Sqalas maritimes : la sqala du port et la sqala de la casbah
Sqalas terrestres : la sqala de Bab Marrakech et celle de Bab Doukkala
La sqala du port
Elle est composée de deux batteries dotées de superbes canons en bronze. Deux ailes fortifiées se coupent à angle droit, l’une derrière le fronton de la Porte de la Marine, l’autre au-dessus des magasins du port et fait face à l’archipel. Cette sqala aurait été construite sur les restes du château portugais « Castello Real ». On avançait même que la tour carrée, à droite de l’entrée du port, serait le château lui-même qui aurait été restauré après sa destruction en 1510 par les tribus voisines.
La seconde tour à gauche est construite sur le même modèle portugais. La Porte de la Marine, édifiée en l’an 1184 de l’hégire (1806) pour relier la ville au port, est ornée de deux colonnes et d’un fronton triangulaire très classique. L’ensemble est impressionnant. Un escalier permet d’accéder au sommet de la muraille de la sqala du port, qui autrefois le défendait avec sa batterie coiffée d’une tour à signaux. C’est dans cet étonnant décor qu’Orson Welles a tourné certaines scènes de son Othello, qui devait remporter la Palme d’or au Festival de cannes en 1952. De la sqala du port la vue sur la ville et les îles Purpuraires est imprenable.
La sqala de la kasbah ou sqala de la ville
Ce puissant rempart crénelé formé de blocs de roche sciés est posé sur une plateforme rectangulaire longue d’environ 250 m. Il protégeait la ville de l’océan et la défendait au Nord-ouest du côté de la mer. Du haut, on distingue encore les traces de scie et le trou, vestige de la manœuvre qui servit à déplacer ces roches.
Sur le chemin de ronde, auquel une rampe donne accès, des pièces de canon, coulées en Espagne aux 17e et 18e siècles, reposent toujours sur leurs affûts, braquées vers le large.
Cette grande batterie construite sur un long rocher est portée sur une trentaine de dépôts et sur deux maisons de forme ronde : une autre plateforme circulaire, le bastion, une citerne et une trentaine de magasins complètent cet ensemble.
Actuellement, les casemates du rez-de-chaussée abritent les ateliers d’un petit nombre d’artisans-marqueteurs, qui ont fait la renommée de la ville.
De là, on admire sans relâche les splendides perspectives sur les fortifications, l’océan et les îles Purpuraires, une promenade vivifiante dans les embruns et le vent. A chaque heure du jour son spectacle.
La sqala de Bab Marrakech (cf. Guido 13 – hiver 2006)
Située à gauche de Bab Marrakech en entrant dans la ville, cette sqala a été conçue pour protéger la ville des attaques terrestres venant de l’Est.
Elle abrita l’armée chérifienne, puis, quand la ville fut occupée par les français, elle fut exploitée comme caserne.
Cette sqala de forme circulaire possède 14 dépôts pour le stockage des munitions. Le mur de rempart construit sur le haut de la tour ainsi que les deux maisons datent de l’époque du protectorat. Actuellement, le bastion de Bab Marrakech est transformé en centre artisanal d’apprentissage et ses salles voutées en lieu d’exposition.
La sqala de Bab Doukkala
Cette sqala, située au nord de la médina, a été conçue comme la précédente pour protéger la ville des attaques terrestres.
Elle avait été dotée de quatre canons, aujourd’hui quasiment disparus, rongés par le temps. Les bâtiments sont en travaux de restauration ainsi que les murailles voisines.
Une autre petite sqala défendait la ville. Son origine daterait du début du 19e siècle (13e de l’Hégire). Déposée sur la roche de la petite île que l’on peut voir du port, très proche du rivage, elle était autrefois accessible à pied à marée basse. Actuellement son accès se fait au moyen des petites barques bleues. Cette sqala a perdu tous ces canons, encloués et jetés à la mer par les soldats français lors du bombardement du mois d’août 1844 et est devenue un véritable paradis pour les goélands.
Borj El Baroud
Un autre bâtiment défensif fut édifié à l’extérieur de la ville. Il se situait entre les remparts Est de la ville (Bab Marrakech) et le marabout de Sidi Mogdoul (derrière le phare à la sortie Sud d’Essaouira). Ce fort appelé « Borj El Baroud » (« Fort de la poudre ») était affecté au stockage des explosifs. Il se présentait avec la forme d’une grosse maison carrée surmontée de créneaux. Ce fort fut détruit au début du 20e siècle, sous le protectorat, et aucun vestige n’en subsiste.
L’idée répandue que les vestiges déposés sur le sable à l’embouchure de l’oued Ksob aux pieds de Diabat sont ceux de ce borj est une idée fausse. Il s’agit de « Borj el Ouad » ou « Fort de Sidi Mohamed ben Abdallah ». Comme le précédent il fut construit au 19e pour protéger la ville des incursions des pirates. Détruit par une très forte crue de l’oued Ksob, seuls demeure un amoncellement de pierres gigantesque, vaisseau de pierre aux allures souvent fantasmagoriques posé sur la grève au bout de la baie.
Les collections de canons braqués vers l’océan demeurent, impressionnantes et pacifiques, leurs seules activités étant d’abriter les solitaires contemplatifs, d’être le refuge des amoureux face au soleil couchant ou encore perchoirs à goélands.
Témoins d’une longue histoire et de longs voyages, ces canons, au bronze luisant et poli, dont le cuivre provient du Mexique et du Pérou, furent fondus pour la plupart, à Séville et Barcelone dans la seconde moitié du 18e siècle. Ils sont ornés de blasons espagnols, portugais et flamands, présents offerts au sultan Sidi Mohamed Ben Abdellah par le gouvernement hollandais. Ces pièces d’artillerie souvent richement décorés de feuilles d’acanthe sculptées et de poissons, animaux protecteurs et sauveurs, tous deux symboles de chance, de prospérité ou d’abondance, arborent leurs blasons fièrement, portent les noms de leurs origines incrustés par moulage sur la partie avant supérieure du tube, et sont une invitation au rêve et aux pays lointains vers lesquels ils restent obstinément tournés : Antipara, Alicante, Yradato…
Garante du passé, une carte postale jaunie d’un vieux canon rongé et monté sur son chariot de bois, porte l’inscription, « Canon tonnant douze heures »…